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Une roue en Asie
12 juillet 2007 Hervé Bonnaveira

Pour circuler en vélo dans Istambul, il faut être fou, fauché, fortuné ou français



De part et d’autre du détroit du Bosphore, chaleur caniculaire, bitume hostile et rencontres réconfortantes nous donnent un avant-goût de ce qui nous attend en Asie.



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« Moi aussi, quand je serai grand, j’aurai une grosse bicyclette ! »
Moi aussi, quand je serai grand, j’aurai un gros vélo !

Soixante-deux heures de train dans les pattes et une bonne dose d’envie de se les dégourdir. Dès la sortie de la gare Sirkeci a Istanbul, force est de reconnaître que nous avons bien franchi un cap culturel. Des mosquées somptueuses aux minarets vertigineux, des haut-parleurs hurlant des appels à la prière, grandeur et démesure, une mer généreusement arrosée de soleil, une activité dense et étourdissante, des couleurs qui débordent des rues : bienvenue en Orient !
Nous enfourchons nos vélos et très vite plusieurs constats plus matériels s’imposent, le dernier découlant des deux premiers :

1- il fait très chaud même le matin ; 2- les rues sont pavées et raides ; 3- nous sommes à peu près les seuls cyclistes en vue, sauf un vieux transportant de volumineux sacs sur son porte-bagages arrière. A Istanbul, deux mondes coexistent et s’entrecroisent, celui des piétons et celui des voitures ; les vélos n’ont de place ni dans l’un, ni dans l’autre. Pour m’être retrouvé sur ma monture d’abord dans les ruelles étroites du bazar, encombrées d’étalages et d’une foule cosmopolite, puis ensuite au milieu d’une des artères principales à cinq voies où déboulent à toute vitesse des centaines de voitures klaxonnant, je comprends mieux pourquoi les locaux préfèrent utiliser le tramway tout moderne et le métro climatisé.

Nous devons rester cinq nuits au pays des mille et une, le temps de régler les formalités du visa pour l’Azerbaidjan. Tandis que d’autres touristes affluent pour visiter les palais "sultanesques" ou se font harponner aux terrasses des cafés et restaurants, nous essayons d’éviter ces appâts "liravores" (la lira est la monnaie turque). Une autre attraction touristique est la croisière sur le détroit du Bosphore ; nous décidons de la faire en vélo à moindre coût. Nous choisissons une brûlante après-midi pour traverser le bras de mer connecté à la Méditerranée en ferry avec nos vélos. De l’autre côté, nous voici maintenant géographiquement en Asie, même si culturellement on y était déjà (la ville d’Istanbul est coupée en deux par le détroit du Bosphore qui sépare l’Europe de l’Asie). Le long des rives en direction de la mer Noire, c’est une ligne quasi-ininterrompue de pêcheurs noyés dans des vapeurs pénétrantes de poisson frit. La pêche semble miraculeuse même si les poissons sont petits. Au détour d’une plage, des enfants et des jeunes se baignent dans des eaux où flottent quelques déchets plastiques. Le pont du Bosphore, véritable autoroute aérienne, menace au dessus de nos têtes. Arrivés à Beykoz à une vingtaine de kilomètres d’Istanbul, nous demandons à deux passants s’il est possible de traverser le détroit à cet endroit. Devant nos difficultés de compréhension de la langue turque, ils choisissent l’option de nous accompagner à pied pendant 20 minutes jusqu’à l’embarcadère.

La température commence à devenir supportable. Sur le chemin du retour, nous sommes rattrapés par deux jeunes cyclistes déjà croisés de l’autre côté, l’un bronzé, tatoué, torse nu, style play-boy de plage et l’autre, casquette, sac à dos, style casseur des banlieues. Trés vite, nous sympathisons avec Serdar, postier et Kenan, de métier inconnu car il ne parle pas anglais. A l’approche de la ville, nos deux "city-riders" escorteurs nous ouvrent la voie jusqu’à Sultanahmet en se faufilant entre les voitures embouteillées et au mépris des feux rouges. Serdar nous étonne avec quelques mots de français appris avec sa petite amie strasbourgeoise de l’été 2000 et qui revient dans un mois tandis que nous nous lançons en turc : teşekkür ederim (merci), adım (je m’appelle), bisiklet (vélo), güzel (beau), güle güle (au revoir)... A défaut d’être le meilleur moyen de transport en ville, le vélo s’est révélé être un excellent moyen de communication.

Le lendemain, nous découvrons avec surprise en face de la gare une ruelle dont la thématique est le vélo : trois magasins quasiment l’un à côté de l’autre, vendant des cadres Kron de marque turque mais made in Taiwan et tout équipés Shimano. Du bon matériel allant jusqu’à 650 euros à l’achat ou à 20 euros la journée en location. Le patron nous conseille d’aller pédaler sur les touristiques îles Princes où les voitures n’ont pas accès. Le vélo serait-il en train de devenir une nouvelle forme de loisir pour des personnes fortunées au lieu d’un moyen de transport de pauvres ? Malgré les inconvénients, nous continuerons donc à faire pavaner nos beaux vélos dans Istanbul. Espérons que cela donne des idées à d’autres...






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