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"Chauffe qui peut", débacle glaciaire annoncée !
Notre passage dans le Karakorum pakistanais est l’occasion de faire un bilan de santé des glaciers himalayens face au changement climatique
Instant magique que celui de notre arrivée à Karimabad au coeur des glaciers du Karakorum (Nord du Pakistan). Après 100 Km de descente depuis le Khunjerab Pass, la gorge étroite s’ouvre enfin révélant des sommets à plus de 7000 m tels l’Ultar et le Rakaposhi. Sur leurs flancs cultivés, les lumières de la ville s’allument au crépuscule et les haut-parleurs déversent leur ode chantante signifiant 18h, l’heure de la fin du ramadan. Les parois rocheuses verticales rendues encore plus imposantes par la pleine lune répondent aux mosquées en remplissant l’espace de l’écho des prières. Du haut de leurs minarets, les neiges éternelles semblent intouchables, dominant toute la vallée de Hunza. La glace des sommets se fracasse sur les parois abruptes, s’engouffre dans les vallées, griffant et polissant le granite, elle repousse les éboulis qui la recouvrent formant des moraines avant de fondre épuisée à 2400 m d’altitude en un torrent dévastateur. De nombreux gamins traînent encore attardés dans les rues, nous encourageant et poussant maladroitement nos vélos dans les 3 Km d’ascension nocturne jusqu’au perchoir. Voilà l’endroit idéal pour contempler le spectacle des forces de la nature et explorer les effets du changement climatique : nous posons nos vélos pour 4 jours de trekking... Les habitants interrogés nous disent que certains glaciers avancent alors que d’autres reculent. Au moment d’aller vérifier sur le terrain, un autre constat s’impose : ils sont difficiles d’accès, ce qui pose problème pour leur suivi régulier (longueur, épaisseur, vitesse d’écoulement...). Mis à part le glacier Gulmit dont le front est visible à seulement une centaine de mètres de la route (preuve que ce glacier a avancé car ils n’auraient pas construit la route aussi près), les autres géants de glace ont tendance à s’enterrer sous leurs moraines. Au pied du glacier Passu, la moraine frontale retient l’eau de fonte qui forme un lac tandis que les moraines latérales, fragilement plaquées à 50 - 100 m de hauteur contre des parois verticales rendent la suite de l’expédition périlleuse. Le long du glacier Batura, il faut progresser sur un chaos d’éboulis instables constitués de blocs en équilibre sur de la farine de roche, elle-même posée sur une semelle de glace crevassée et fondante. Lorsque les études de terrain sont aussi difficiles, l’une des solutions est de regarder de plus haut, c’est-à-dire en l’occurrence depuis l’espace. A l’aide de photos satellitaires, les scientifiques peuvent obtenir un modèle tridimensionnel du glacier à un instant donné. Il suffit alors de comparer deux images du glacier à deux dates différentes pour estimer le recul et la fonte totale des glaciers. Une étude de ce type menée par des chercheurs français sur une surface glaciaire de 915 m2 en Himalaya entre 2000 et 2004 a conclu à une diminution moyenne de 0,85 m d’épaisseur par an. En 2005, un rapport du WWF estimait que 67% des glaciers himalayens reculaient, fait d’autant plus préoccupant que ces glaciers alimentent les 7 grands fleuves asiatiques dont dépendent directement quelques 1,3 milliards d’individus. Dans la vallée de Hunza, les conséquences immédiates du changement climatique se font déjà ressentir. L’eau de fonte des glaciers accroît la force des rivières, ce qui renforce l’érosion et arrache les terres arables le plus souvent disposées en terrasses le long des fleuves. A plus long terme, la disparition des glaciers entraînera une pénurie d’eau, préjudiciable pour l’eau potable des villageois, l’agriculture de montagne et l’énergie hydroélectrique. L’eau n’est plus une ressource inépuisable et renouvelable !
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